Le syndrome du sourire crispé…vous connaissez ?

 Vous aussi, vous avez ce curieux syndrome nippon ? 

Celui d’avoir du mal à dire "non" franchement, d’éviter le conflit plutôt que de risquer une vague d’inconfort ? 

Une sorte de "chotto muzukashii" émotionnel à la française ? ^^

Il m’arrive souvent d’y penser. 

Notamment à cette époque où, munie de mon appareil photo décoré de Hello Kitty et autres petites mascottes japonaises, je sillonnais les rues de Sendai pour un projet d’architecture. 

(Oui, j’ai eu une vie parallèle où je tentais d’insérer un salon de coiffure, deux maisons et une salle des fêtes sur 60 mètres de long et 7 mètres de large. On en parle ? ^^)

Mais au-delà des défis techniques, c’est autre chose qui m’a marquée : la gentillesse des Japonais. 

Leur extrême politesse. 

Leur bienveillance incroyable.

Tatemae vs Honne : quand le "non" devient un art

Leur manière de vous aider sans parler anglais, de supporter vos bourdes culturelles (comme oublier de servir son voisin de droite à table, oups)… 

…tout en gardant toujours ce petit sourire contrit…

Et ce que j’ai compris, c’est que là-bas, dire « non » est presque tabou. 

Le mot "iie" (いいえ) est ressenti comme trop brutal. On dira plutôt :

« Hmmm… sumimasen… demo… chotto… muzukashii… » (Désolé… mais… c’est un peu difficile…)

Une forme de gentillesse sociale codée, très liée au concept de tatemae (la façade) et honne (le ressenti réel). 

Tout ça pour préserver l’harmonie du groupe. 

Ne pas déranger. 

Ne pas froisser.

Mais à quel prix ?

En creusant un peu, j’ai découvert ce qui se cache derrière ce raffinement…

…solitude…

….refoulement émotionnel…

…harcèlement scolaire (ijime)…

…retraits sociaux profonds (hikikomori)...

Et ça m’a ramenée à nous. 

À nos familles. 

À nos façons d’éviter les conflits, les discussions inconfortables. 

Aux "non" qu’on n’ose pas dire à nos proches. 

Par peur de heurter. De déplaire. De perdre l’amour ou la considération.

Gentil·le, mais aligné·e : et si on changeait de posture ?

Quand on veut éduquer différemment, vivre autrement, poser des limites douces…

…combien de fois choisit-on le silence, le faux sourire…

…le fameux « on verra », « tawa nqoulek mba’d » (« je te dis après ») qui veut en fait dire…« jamais » ?

Mais cette paix-là est souvent un déguisement…

Une fausse harmonie. 

Une cage dorée.

C’est là que l’exemple du Prophète Muhammad ﷺ nous inspire un tout autre type de douceur : une gentillesse lucide, vraie, enracinée dans la justice.

La gentillesse prophétique : bienveillante, mais jamais fausse

Le Prophète ﷺ corrigeait sans humilier. 

Il écoutait sans flatter. 

Il posait ses limites avec fermeté…mais sans dureté gratuite.

Quelques exemples (tirés notamment de la Sira de Martin Lings) illustrent à merveille cette attitude prophétique :

Compassion sans complaisance

Une femme passa auprès d’un homme décédé, et dit : « Félicitations à toi, tu es au Paradis ! » Le Messager d’Allah ﷺ dit alors : « Qui t’a informée qu’il est au Paradis ? Peut-être qu’il a parlé de ce qui ne le regardait pas, ou bien qu’il a été avare de ce qui ne lui coûtait rien. Il aurait suffi que tu dises : “Il aimait Allah et Son Messager.” » (Rapporté par Muslim)

→ Ce hadith met en lumière une leçon de lucidité compatissante : le Prophète ﷺ ne valide pas les affirmations hâtives, même pleines de bonnes intentions. 

→ Il enseigne à la femme un discernement bienveillant, centré sur ce qui est certain et juste.

Humanité intègre 

Ce Hadith met en lumière plusieurs enseignements profonds :

1. L’intégrité au cœur de la relation à l’autre

Malgré son immense compassion pour Abû Jandal, le Prophète ﷺ respecte la parole donnée, même si cela lui coûte personnellement. 

Il nous enseigne ici qu’on peut être profondément humain sans renier ses principes.

→ Ça rappelle à chaque parent qu’être bienveillant n’implique pas de céder sur ce qui est juste. Poser une limite, ce n’est pas trahir l’amour. C’est même parfois ce qui le protège.

2. L’art de valider la souffrance sans la nier

Il ne dit pas à Abû Jandal « ce n’est rien » ou « ce n’est pas si grave ». Il reconnaît pleinement sa détresse :

« Recherche la récompense auprès d’Allah. »

→ Ce genre de phrase, pleine de sens, peut inspirer les éducateurs à accueillir l’émotion de l’enfant tout en le guidant vers une posture intérieure constructive.

3. L’équilibre entre empathie et responsabilité

Le Prophète ﷺ ne cherche ni à apaiser par des illusions, ni à durcir le cœur. 

Il rappelle une vérité : on a pris un engagement au nom d’Allah. 

Et il invite à faire confiance à Sa sagesse pour la suite.

→ Une pédagogie prophétique serait : faire confiance à l’enfant, lui donner des repères clairs, et l’inviter à grandir à partir de la réalité, sans la fuir.

Sagesse émotionnelle…

Lorsque ʿUmar ibn al-Khaṭṭāb رضي الله عنه proposa de tuer ʿAbd Allāh ibn Ubayy (le chef des hypocrites), le Prophète ﷺ répondit :

"(Je ne veux) pas que les gens disent que (Muhammad) faisait exécuter ses Compagnons !" (Rapporté par al-Bukhārī et Muslim)

Ce hadith met en lumière la lucidité politique et émotionnelle du Prophète ﷺ. 

Il savait que répondre à une provocation avec sévérité pouvait nuire à l’image de l’islam et donner lieu à des malentendus sans fin.

→ Il choisit la patience et la stratégie sur l’impulsion et la réaction immédiate.

→ Il nous enseigne à ne pas toujours dire ou faire ce que l’on pense juste dans l’instant, si cela compromet la sagesse ou l’équilibre à long terme.

→ C’est une boussole précieuse pour les parents : parfois, dans un moment de tension avec un enfant ou un proche, il est plus sage de désamorcer d’abord…et d’expliquer ensuite.

Compassion lucide envers soi

Hanzalah رضي الله عنه dit : « Abû Bakr me rencontra et me demanda : 'Comment vas-tu, ô Hanzalah ?' Je répondis : 'Hanzalah est devenu hypocrite.' Il dit : 'Gloire à Allah ! Que dis-tu là ?' Je répondis : 'Lorsque nous sommes auprès du Messager d’Allah , il nous parle du Paradis et de l’Enfer comme si nous les voyions de nos propres yeux, mais quand nous le quittons, nous sommes absorbés par nos femmes, nos enfants et nos affaires, et nous oublions beaucoup.' Abû Bakr dit : 'Par Allah, il nous arrive la même chose.' Alors nous sommes allés voir le Messager d’Allah , et je lui dis : 'Ô Messager d’Allah, Hanzalah est devenu hypocrite.' Il dit : 'Pourquoi cela ?' Je répondis : 'Ô Messager d’Allah, lorsque nous sommes auprès de toi, tu nous parles du Paradis et de l’Enfer comme si nous les voyions de nos propres yeux, mais quand nous te quittons, nous sommes absorbés par nos femmes, nos enfants et nos affaires, et nous oublions beaucoup.' Le Messager d’Allah dit : 'Par Celui qui détient mon âme dans Sa main, si vous persistiez dans l’état où vous êtes quand vous êtes avec moi, les anges vous serreraient la main dans vos lits et dans vos chemins. Mais, ô Hanzalah, il y a un temps pour ceci et un temps pour cela.' » (Rapporté par Muslim)

Ce hadith nous rappelle avec tendresse que la foi connaît des fluctuations — et que cela ne fait pas de nous des hypocrites. 

Le Prophète ﷺ y valide les hauts et les bas du cœur humain, et offre une parole merveilleusement apaisante :

→ Il normalise l’alternance entre ferveur spirituelle et préoccupations du quotidien. 

→ Il enseigne la compassion envers soi-même : tout ne peut pas être constant, et c’est OK. 

→ C’est une boussole pour les parents, surtout les mamans hypersensibles ^^ : il y a des jours où l’on est patiente, créative, centrée, connectée… 

…d’autres…

…où l’on ne gère rien.^^ 

Et ce n’est pas un échec.

À condition de revenir, encore et encore, à l’intention, l’amour et l’équilibre.

Et si on accueillait nos fluctuations comme une respiration, plutôt que comme une faute ?

Bref ♥ 

Une bonté ancrée dans la vérité. 

Un respect profond des émotions. 

Une force tranquille ﷺ.

Comment ça se traduit-il dans notre quotidien ?

Voici quelques situations fréquentes... 

…et des pistes pour les vivre autrement :

Votre enfant vous (ba)lance un "non !" agressif?

Essayez de vous mettre à sa hauteur, physiquement et émotionnellement. 

Dites :

« Je vois que tu es en colère. Tu as le droit de dire non. Mais dis-le avec douceur et respect, pour qu’on puisse se comprendre. »

Votre tante vous reproche votre manière d’éduquer ? 

Plutôt que de vous justifier ou de fuir la conversation, vous pouvez répondre :

« Je comprends que ça t’interpelle. On essaye une approche qui nous ressemble. »

Un parent, un beau-frère, critique votre choix d’école ou vos habitudes religieuses ? 

Respirez. 

Puis dites, doucement :

« Je sais que tu veux le bien pour nous. Et justement, c’est pour ça qu’on a fait ce choix. »

Vous recevez une invitation alors que vous êtes épuisée ? 

Au lieu de dire oui par culpabilité, osez la sincérité douce :

« Merci, JazakAllahou kheir pour l’invitation, mais j’ai besoin de repos. J’espère qu’on pourra se revoir très bientôt, dans de meilleures conditions inshAllah. »

Cela demande du courage, c'est vrai. 

Mais chaque "non" sincère posé avec respect...

...c'est aussi un "oui" à votre dignité...

...et un exemple puissant pour vos enfants.

Être gentil·le, ce n’est pas s’effacer

La tradition prophétique nous enseigne que la sincérité ne doit pas blesser… 

…mais que le mensonge social n’est pas une vertu.

Être gentil·le, ce n’est pas tout accepter. 

Ce n’est pas tout cacher. C’est encore moins s’oublier.

C’est parler vrai…avec amour

Poser des limites avec tendresse. Écouter sans juger. S’affirmer sans écraser.

Et si on osait une gentillesse qui libère ?

Le Prophète ﷺ a été ce modèle vivant : une douceur alignée, enracinée dans la vérité, capable d’accueillir les conflits sans les fuir.

Et si nous faisions ce choix-là, dans les petits riens du quotidien...

...quand notre enfant hurle, que notre entourage s’inquiète ou que notre propre cœur tremble ?

Et vous, dans quelles situations avez-vous du mal à dire "non" sans culpabiliser ?

Quelles seraient les phrases que vous aimeriez apprendre à dire avec authenticité et douceur ?

Je vous lis avec attention. ♥

Envie d’aller plus loin ?

Ce n’est pas un hasard si l’histoire de Kenji se passe au Japon.

Dans ce conte illustré, on découvre un petit garçon hypersensible qui semble en colère sans raison... 

…jusqu’à ce qu’on découvre, tout à la fin, ce qui s’est réellement passé à l’école le jour de la rentrée : une petite fille lui a lancé un mot blessant. 

Une blessure invisible...mais qui a tout déclenché.

Kenji, c’est l’histoire d’un enfant qui apprend à s’affirmer avec gentillesse. À dire ce qu’il ressent. 

À se faire respecter... 

…sans crier, frapper ou se replier.

Une ressource idéale à partager en famille, à l’approche de la rentrée scolaire, pour prévenir le harcèlement, renforcer la confiance en soi et ouvrir un dialogue cœur-à-cœur avec son enfant. ♥

→ Découvrez l’histoire de Kenji ici

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